Il est bien connu que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire. Qu'ont-ils alors écrit au sujet des Phéniciens ?
Une certitude rassemble tous les historiens : les Phéniciens sont un peuple "de navigateurs et de commerçants". Entre admiration et jalousie, éloge et critique, ce peuple fut reconnu comme pacifiste.
Motivés par l'aventure et l'exploration, le bénéfice et le commerce, la création de nouvelles relations et l'élargissement de leurs connaissances, les Phéniciens ont sillonné le monde antique pour nourrir leur curiosité, commercialiser et échanger leurs produits, en rechercher d'autres, particulièrement la matière première pour leur artisanat.
L'archéologie a démontré que les Phéniciens fondèrent des comptoirs sur le pourtour méditerranéen, assurant ainsi le ravitaillement des bateaux. Chaque saison, ils essayèrent de pousser l'aventure encore plus loin jusqu'à dépasser les colonnes d'Hercule (l'actuelle détroit de Gibraltar). A l'exception des Carthaginois, les Phéniciens n'ont jamais cherché à 'coloniser' des nouvelles contrées. Leurs établissements servirent d'intermédiaires avec les cités mères (Byblos, Tyr et Sidon) et les échanges représentèrent le pilier de leurs activités.
Pourtant, l'histoire de ce peuple de l'Antiquité reste un peu énigmatique. Jusqu'à nos jours les gens sont partagés entre son histoire réelle et les mythes qui s'y rapportent. Une question s'impose : Qui sont ces Phéniciens ? D'où venaient-ils ? Pourquoi les nommèrent on ainsi ? Trouvons nous toujours des Phéniciens de nos jours, qu'est-il advenu de ce peuple ? Plein de questions se bousculent dans nos têtes. A travers ce site nous essayons de comprendre la complexité de leur existence, découvrir un peu plus leur vraie histoire, loin des clichés véhiculés depuis l'Antiquité.
Premier piège à éviter c'est de confondre notre notion moderne et contemporaine d'Etat, avec des frontières bien définies, et la notion antique différente. La Phénicie, pays des Phéniciens, ne représentait en aucun cas un territoire établi, les limites suivaient des flux et reflux en rapport avec les puissances de la région. Ce n'est qu'à partir du début de l'âge de fer, avec l'invasion des Peuples de la Mer en 1200 av.J.C., que le terme 'Phéniciens' apparu.
Ce pays, qui représente le Liban actuel avec quelques kilomètres en plus au nord et au sud, était habité dès le paléolithique, l'évolution fut nettement observée et constatée au cours du néolithique. Vers 7500 av.J.C., l'économie agro-pastorale s'installa sur plusieurs sites. L'archéologue Maurice Dunand trouva, lors des fouilles entreprises entre 1924 et 1959, des vestiges en silex comme des flèches, des poignards, des lames denticulées pour les moissons, des haches et des grattoirs, qui confirmèrent la fondation de Byblos, vers 7000 av.J.C., par des populations néolithiques.
Dès le IV°millénaire, des petits villages de pêcheurs se développèrent particulièrement à Byblos et à Dakerman près Sidon. Ils étaient formés par des maisons à pièce uniques, regroupés souvent autour d'un point d'eau et entourés de rempart. Les hommes y développèrent l'agriculture et la pêche, des petits temples furent dédiés aux divinités en rapport avec les forces de la nature, ils commencèrent à enterrer leurs morts dans les grandes jarres à grain (assimilation de la dépouille mortelle au grain que l'on enfouit et qui renaît). Une mutation décisive ne tardera pas à s'imposer, amenant ces sociétés villageoises à évoluer vers des formes plus complexes d'organisation urbaine.
Au III°, le modèle de cité-Etat se stabilisa et se généralisa apportant ainsi un développement des échanges. Des relations s'établirent spécialement entre l'Egypte et la cité de Gebal ou Goubal (Byblos). Des cadeaux à caractère royal : produits de luxe, des vases, des coffres, affluent dans la cité, le plus ancien date de 2700 av.J.C. La région fut alors englobée dans l'Empire asiatique de l'Egypte. Le bois de cèdre était un matériel indispensable aux pharaons pour la construction marine, et plus essentielle était la résine de ce bois, utilisée pour la momification des morts.
Cette situation changea à la fin de ce III° millénaire. L'Egypte entrant dans une phase de repli, ses contacts avec le Levant furent interrompus. Byblos subit une destruction vers 2200 av.J.C. mais rapidement la ville se reconstruit autour du Temple de la Baalat (la Dame de Byblos) et reprit son activité. Des relations avec le nord du littoral et la Syrie intérieure assurèrent à Byblos son ravitaillement en métal. La ville devînt un des foyers les plus actifs de la métallurgie du bronze. La production de figurines est datée de cette période, elles seront le symbole de Byblos. Les relations avec l'Egypte reprirent avec la XII°dynastie (époque des pharaons Amenemhat III et IV).
Durant l'âge du bronze moyen (2000/1500 av.J.C.), les échanges ne furent pas limités à la seule cité de Byblos, plusieurs centres d'activités essaimaient sur tout le territoire : à Arqa (au nord), à Beyrouth, dans la Béqa' et à Kamid el-Loz. Des liens se tissèrent particulièrement avec la Crète minoenne, Chypre et les autres cités-Etats telle Ougarit. Sur le plan international, le contexte politique évolua, l'Egypte sortit de son repli et entreprît une nouvelle politique expansionniste, plusieurs conquêtes furent menées. A la fin du règne du pharaon Thoutmosis III (vers 1440 av.J.C.), les cités du Levant furent de nouveau intégrées dans la sphère égyptienne. Le gouvernement fut assuré par des rois locaux qui durent verser un tribut aux représentants du pharaon.
Au XIV° siècle, la puissance hittite entra sur l'échiquier régional, menaçant l'équilibre en place. Certains rois locaux n'hésitèrent pas à établir dès lors des alliances avec ce nouveau conquérant. La confrontation entre l'empire égyptien et l'empire hittite se concrétisa par la fameuse bataille de Qadesh (1275/1274 av.J.C.) aboutissant à un traité entre Ramsès II et Hattousili III. Le point de séparation des territoires fut placé des deux côtés des rives du fleuve Nahr el-kabir (frontière actuelle entre le Nord Liban et la Syrie). Les cités du Levant se retrouvèrent ainsi sous domination égyptienne alors qu'Ougarit subissait la tutelle hittite.
La situation de ces cités fut toutefois fluctuante et le contrôle égyptien insuffisant. Des lettres, adressées par les rois locaux au pharaon, attestèrent une certaine instabilité et des rivalités assez aigues. Cette situation favorisera l'invasion des Peuples de la Mer (vers 1200 av.J.C.) et la destruction des principales cités. Ougarit fut anéantie à jamais. Les autres cités, également touchées par cette vague destructrice, réussirent à se redresser et à acquérir une certaine indépendance.
L'Egypte entama un nouveau repli, l'empire hittite disparut et le nouveau conquérant de l'Est, le roi d'Assyrie, ne fait qu'une incursion sans lendemain (Expédition de Tiglath-Phalasar Ier à Arwad en 1100 av.J.C.). Jusqu'au milieu du IX° siècle av.J.C., les cités levantines profitèrent de cette liberté pour accroître leurs échanges. Les habitants défendirent leur entité propre, leur appartenance à leur propre cité : ils se déclaraient Giblites (Gebal/Byblos/Jbeil) Tyriens (ville de Tyr) ou Sidoniens (ville de Sidon) mais jamais Phéniciens. Ce terme leur fut donné par les Grecs, dérivant du mot grec phoinix.
De cette période riche en exploits, documents et vestiges, il nous reste des traces tangibles tel le fameux sarcophage d'Ahiram, roi de Byblos, qui porte sur son couvercle les lettres de l'alphabet; la relation exceptionnelle entre Hiram, le roi de Tyr et Salomon pour la construction du Temple de Jérusalem; l'union de Tyr et Sidon, réalisée sous le gouvernement du roi Ittobaal, dura plus de deux siècles et les amenant jusqu'en pays de Tartessos (Espagne) à la recherche de l'argent, indispensable à leur artisanat; sans oublier la fondation de Carthage, d'abord petite escale vers l'Espagne et les Cornouailles (Grande Bretagne), qui assumera plus tard la relève.
La puissance assyrienne à l'Est ne pouvait rester indéfiniment insensible à la position stratégique et par conséquent la richesse de ces cités commerçantes. Dès 880 av.J.C., Sidon et Tyr versaient un tribut au roi Assurnasirpal afin de protéger leurs comptoirs marchands en Syrie du Nord. La menace assyrienne ne tarda pas à se manifester, les tributs en partance vers la Mésopotamie devinrent de plus en plus lourds : bois de cèdre, métaux précieux, objets en ivoires, des tissus de pourpre, etc. Toutefois, les cités phéniciennes préservèrent leur souveraineté et une certaine autonomie dans la gestion de leurs activités commerciales. Elles furent dirigées par les rois locaux alors que toutes les régions aux alentours subissaient un contrôle direct sous le gouvernement des hauts fonctionnaires assyriens. Cette indépendance relative ne pouvait masquer l'ingérence des représentants du roi assyrien dans les affaires, ce qui déclencha plusieurs révoltes à Sidon (677av.J.C.) et à Tyr (671 & 663 av.J.C.).
A l'inverse des Assyriens, les Babyloniens, nouveaux conquérants, imposèrent un contrôle complet sur les cités phéniciennes. Dès 605 av.J.C., Nabuchodonosor, roi de Babylone, victorieux des Egyptiens à Carchemish, déporta les Phéniciens à Babylone, s'assurant ainsi le contrôle total sur les richesses du pays en particulier les forêts de cèdres. Seule la cité de Tyr résista au siège de l'envahisseur durant 13 années.
L'arrivée des Perses, suite à la prise de Babylone par Cyrus (539 av.J.C.), fut favorablement ressentie dans toutes les cités. Marins réputés, les Phéniciens participeront avec leur flotte à la campagne contre l'Egypte, leur ancien allié. De point de vue administratif, les cités phéniciennes sont intégrées à la satrapie de Transeuphratène tout en gardant une certaine autonomie. Dès cette époque l'utilisation de la monnaie se propagea. Les constructions se développèrent : à Sidon, le temple d'Echmoun à Bostan el-Cheikh témoigne de l'attachement de la famille royale sidonienne au 'roi des rois' (le roi Perse), comme le mentionne le sarcophage d'Echmounazar. A Beyrouth, la découverte d'un quartier au plan régulier de style hippodamien atteste l'expansion et la vitalité de la cité à cette époque.
Au IV°siècle cette situation de coopération fut mise à mal. Des révoltes furent soutenues par les Athéniens ou même les Egyptiens qui essayèrent de retrouver leur influence passée. Mais la répression perse fut féroce. Cette évolution des rapports va faciliter l'accueil du macédonien, Alexandre le grand, en 332 av.J.C. Les cités se soumirent sans résistance à l'exception de Tyr assiégée durant sept mois. Avec Alexandre, les cités perdirent leur autonomie, elles feront désormais partie d'une des provinces du monde hellénistique et cela jusqu'à l'arrivée des Romains.
Les pages de ce site consacré aux Phéniciens se veulent assez multiples et diversifiées. Vous trouverez l'histoire de chacune des cités connues tel Byblos, Sidon et Tyr. Ougarit, n'est pas une cité phénicienne, certes, mais à travers son développement et la richesse de ses échanges elle a été annonciatrice de la richesse des cités du Levant. Quant à Baalbek, connue plus par ses vestiges de l'époque romaine, elle était déjà la cité de l'intérieure assumant par excellence la liaison entre les cités de la côte et l'arrière-pays. D'autres pages sont réservées à des thèmes particuliers tel l'alphabet, l'art, la monnaie, l'expansion, des personnages célèbres : Ahiram, Hannon, ..., des héros mythiques : Europe, Adonis, ...
Avec notre devise, nous œuvrons pour sauvegarder la mémoire des Phéniciens qui, malheureusement, sont de plus en plus exclus des livres scolaires. Rares sont ceux qui se rappellent ce peuple, son alphabet ou ses exploits maritimes. Le plus difficile à définir est son espace géographique, son apport culturel, c'est dire à quel point les envieux ont réussi à 'ternir' le nom des Phéniciens.
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